Anatomie, Yoga

Yoga/Rotations au sol

Posture de rotation au sol .

Dans les cours de yoga plusieurs types de rotations au sol sont proposés.
Ces postures peuvent s’appeler « crocodile » : «makarasana» ou torsion du ventre : «jathara parivrtti» mais une différence majeure est celle qui concerne le décalage ou non du bassin avant l’exécution de la rotation.

Nous allons voir comment cette considération permet davantage de respecter l’alignement des vertèbres l’une au-dessus de l’autre et quel en est son intérêt.
Pour exécuter une rotation, nous avons besoin de stabiliser une partie du corps afin de donner un ancrage et permettre un mouvement plus conduit.
Précisons donc que la torsion va concerner la partie inférieure du corps et que le point fixe va se trouver au niveau des épaules.

Ici les épaules et les bras servent d’ancrage et notre attention se porte sur leur stabilisation, il faudra maintenir des appuis fermes à ce niveau-là.

Nous utilisons plusieurs respirations pour lentement, sur des expirations longues à partir du périnée (mula bandha), aller vers déposer les genoux au sol. Le résultat est une vrille de la colonne vertébrale.
→La posture de la photo 1 a été prise avec un décalage anticipé du bassin, du côté opposé à la rotation. Le résultat est un meilleur alignement longitudinal de la colonne vertébrale.
→Sur la photo 2 il n’y a pas eu de décalage du bassin et nous pouvons observer que le poids du bassin et des jambes entraîne une perte de l’alignement de la colonne vertébrale.

Pourquoi décaler le bassin ?
Chercher à garder la colonne dans un alignement neutre et dans un auto grandissement limite les pressions inutiles sur les disques et les tractions sur les ligaments vertébraux.
En position assise, notamment dans la posture «matsyendrasana», nous insistons sur l’ancrage du bassin mais aussi sur le fait de ne pas «s’appuyer» sur le bras de derrière, nous ne voulons pas «sortir de l’axe» mais bien tourner sur notre axe pour que la rotation concerne au plus juste la colonne vertébrale, de manière homogène sur toute la longueur.
La position allongée sur le dos va favoriser le lâcher prise, la décharge, l’abandon à la gravité qui ont leur intérêt mais qui peuvent aussi générer des positionnements qui ne sont plus, du point de vue du travail spécifique sur la colonne vertébrale et du respect du corps, aussi justes qu’en position assise.
En effet, le bassin basculé sur un côté, va venir tracter les éléments se trouvant au-dessus : la taille, les côtes … exerçant un étirement qui peut être excessif et problématique pour les disques intervertébraux notamment. De plus nous aurons probablement une flexion de la colonne, plus prononcée du côté de la rotation. La fragilisation des structures vertébrales (disque, facettes articulaires, ligaments…) voire la douleur sera d’autant plus importante sur des postures en statique, tenues une minute au moins (ce qui peut être le cas ici où la gravité aide au lâcher prise et au maintien).
Sans le décalage, nous observons que l’action de rotation n’est plus localisée à partir de la colonne vertébrale (comme on y insiste en position assise) mais à partir de la périphérie (poids des jambes repliées et du bassin désaxé).
L’amplitude de rotation au niveau lombaire étant relativement minime : 5° de chaque côté en moyenne alors qu’elle est de 34° en moyenne de chaque côté au niveau thoracique, la rotation va porter essentiellement sur la charnière T7-T8 qui présente le plus d’amplitude rotatoire et ce d’autant plus que le poids du côté opposé du bassin tracte vers le sol.
En somme si le bassin n’a pas été décalé de manière anticipée, son volume va décaler le bas du corps (par rapport au point fixe des épaules et des bras) et entraîner la colonne vertébrale en dehors de son alignement longitudinal.
De ce fait le geste n’est plus directement concentré sur la colonne vertébrale. Cette différence de positionnement peut paraître minime pour des personnes ne souffrant d’aucune fragilité ou pathologie dorsale (pas encore !) mais elle sera fondamentale pour celles ayant des antécédents de hernie discale par exemple car les risques de pressions sur le disque intervertébral sont accrus du côté de la rotation sans le décalage.
En revanche, si le bassin a été décalé d’environ 15 cm du côté opposé à la rotation, celle-ci sera plus homogène le long de la colonne. L’auto grandissement étant préservé, les pressions localisées seront limitées.

Cette posture permet un étirement des fascias, notamment dans cette partie le fascia thoracolombaire et le péritoine (enveloppe des viscères), un «essorage» au niveau des organes d’autant plus intéressant qu’il est confortable de le maintenir en préservant l’intégrité de la colonne vertébrale.
L’étirement va concerner aussi tout un ensemble de muscles du côté opposé à la rotation : intercostaux, carré des lombes, psoas dans sa partie lombaire, grand dorsal, abdominaux, groupe érecteur du rachis (épineux, long dorsal, ilio-costal.
La rotation au plus juste de la colonne vertébrale permet d’aller étirer spécifiquement les muscles profonds le long de la colonne (inter transversaires, inter épineux et transversaire épineux). Ces muscles profonds et courts qui courent tout le long de la colonne sont des muscles dits de «posture» qui sont censés travailler non pas en permanence mais par «bouffées» ou en «rafales » pour permettre l’équilibration, des ajustements constants de la posture, tenir debout, lutter contre la gravité.
Or cette zone est souvent le siège de tensions musculaires excessives, de crispations qui
entravent la disponibilité articulaire pour s’équilibrer et empêchent de bouger de façon
harmonieuse. Le travail rotatoire et le lâcher prise dans une posture bien conduite peut permettre de travailler sur ce tonus de base propre à chacun et ainsi peu à réorganiser le rapport à la verticalité, au monde et aux autres.
Enfin, sur le plan énergétique le yoga apporte l’ancrage dans le présent, l’union des dualités via la nadi centrale: la sushumna. Les rotations vertébrales constituent un travail puissant d’harmonisation autour de l’axe central des polarités lunaire et solaire (les nadis ida et pingala).
De ce fait, nous préfèrerons sans doute travailler au plus près de la colonne de façon à accroître notre installation dans le moment présent et habiter confortablement la posture de rotation vertébrale.


>> L’alignement, l’allongement, l’intégrité de la colonne nous permettent d’en ressentir plus finement ses deux extrémités : muladhara cakra et sahasrara cakra pour plus de présence à soi. La respiration en spirale figurant les nadis «ida» et «pingala» s’enroulant autour de la « sushumna » pourra se faire de manière plus fluide, favorisant le flux d’énergie le long de la colonne vertébrale et sa distribution dans tout le corps.

Nathalie Bidoia-Pompele
Professeur de danse contemporaine D.E
Enseignante et formatrice Pilates
Enseignante Hatha Yoga Diplômée “métiers de la forme” Staps Toulouse

Sources :
« Yoga sans dégâts » J.P. Bouteloup
« Yoga sans dégâts » B. de Gasquet
« Anatomie fonctionnelle, tête et rachis » A Kapandji
« Les chaînes musculaires » L. Busquet
« La tête aux pieds » O.Rouquet